L’administration publique helvétique et ses acteurs restent un champ d’étude relativement peu exploré par la recherche en sciences sociales. Cette observation semble particulièrement vraie s’agissant des hautes sphères de l’administration publique fédérale ou cantonale : les travaux portant sur les hauts fonctionnaires fédéraux datent essentiellement des années 1970 à 1990 et très peu d’études sont
disponibles au niveau cantonal. Pour l’heure, aucune étude de référence n’existe sur les entourages des membres du Conseil fédéral ou des gouvernements cantonaux.
Vu l’important et stimulant développement actuel de la recherche internationale sur les political advisers ou ministerial advisers ainsi que dans la littérature francophone sur la question des « entourages » des pouvoirs exécutifs ou législatifs, le présent article se donne pour objectif principal d’esquisser les bases d’un programme de recherche des entourages politico-administratifs du pouvoir exécutif fédéral et cantonal en Suisse. En effet, si le rôle de l’administration est souvent présenté comme important dans le processus décisionnel helvétique, on ne dispose que d’indications assez lacunaires sur l’influence réelle des conseillers politiques et des membres des états-majors gouvernementaux tant au plan fédéral que cantonal : qui sont les personnes qui entourent, appuient et conseillent les ministres fédéraux ou cantonaux, d’où viennent-ils et en quoi consiste précisément leur travail quotidien ? Dans quelle mesure
ces acteurs influencent-ils les décisions prises ? A l’instar d’autres pays de l’OCDE, la Suisse connait-elle aussi un rôle croissant joué par les entourages ministériels au sein de l’Etat et dans le processus décisionnel ? Et quelles relations les membres de l’entourage en Suisse ont-ils avec l’administration, les médias, les groupes d’intérêts, les partis politiques ? Enfin, en quoi les spécificités institutionnelles du système politique suisse influencent-elles le profil et les activités des entourages ?
La première partie propose une contextualisation du système politico-administratif suisse par la présentation des caractéristiques institutionnelles essentielles à l’appréhension des autorités gouvernementales helvétiques, telles que le fédéralisme (décentralisé), le rôle (important) de la démocratie semi-directe, le fonctionnement du pouvoir exécutif helvétique (entre principe de collégialité et principe départemental), le rôle (central) de l’administration dans le processus décisionnel ainsi que les spécificités de l’interface politico-administrative (caractérisée par un marché bureaucratique
hybride). Cette contextualisation importe car ces facteurs institutionnels impactent nécessairement le développement, les rôles, les compétences et les profils des entourages observables en Suisse.
Puis, dans une deuxième partie, un état de la littérature existante sur les hautes sphères de l’administration publique fédérale et cantonale ainsi que sur les entourages politico-administratifs en Suisse est effectué. Cet état de la recherche et des connaissances disponibles permet de procéder à une première distinction d’importance entre deux types d’organisation ayant une fonction d’état-major dans l’appareil d’Etat helvétique, tant au niveau fédéral que cantonal, à savoir la Chancellerie (Kanzlei) du gouvernement et le Secrétariat général (Generalseketariat) des départements qui compose les exécutifs suisses. D’autre part, la littérature existante permet d’observer un phénomène de renforcement des états-majors dans l’administration fédérale à compter des années 1980 ainsi que des tendances probablement similaires même si contrastées au niveau des 26 cantons suisses.
Sur cette base, la troisième partie de l’article propose un premier essai de description typologique des acteurs des entourages politico-administratifs en Suisse ainsi que de leurs principales fonctions et activités. Sur la base d’une définition de travail provisoire, de nos propres connaissances issues de la pratique et de la littérature internationale, cinq catégories d’acteurs seront abordées successivement :
a) Les chanceliers et les vice-chanceliers ;
b) Les secrétaires généraux et secrétaires généraux adjoints ;
c) Les collaborateurs personnels ;
d) Les responsables de la communication ;
e) Les autres types de conseillers (conseillers spécialistes, stratégiques, adjoints, etc.)
Enfin, la quatrième et dernière partie de l’article propose et développe les différents questionnements qui seraient à explorer dans le cadre d’un futur agenda de recherche - que cet article appelle de ses vœux – sur les entourages politico-administratifs en Suisse, ceci en dégageant plusieurs pistes, hypothèses de recherche et niveaux d’analyse envisageables, notamment dans une perspective de comparaison tant internationale qu’interne à ce pays fédéraliste qu’est la Suisse.
