Conference Agenda

Overview and details of the sessions of this conference. Please select a date or location to show only sessions at that day or location. Please select a single session for detailed view (with abstracts and downloads if available).

Please note that all times are shown in the time zone of the conference. The current conference time is: 14th Aug 2025, 03:46:42am BST

 
 
Session Overview
Session
Séminaire Francophone
Time:
Wednesday, 27/Aug/2025:
4:00pm - 6:00pm

Session Chair: Emil TURC, Aix-Marseille Université

"Des politiques publiques aux agents publics"


Show help for 'Increase or decrease the abstract text size'
Presentations

D’un regard top-down vers une approche Bottom-up : l’appropriation des outils de contrôle de gestion par les agents de première ligne

Sara BARQUIN

Aix-Marseille Université - IMPGT

Depuis plus d’une trentaine d’années, les administrations publiques sont marquées par des réformes inspirées du New Public Management (Boitier, M. et al., 2015; Hood, 1991), générant une diffusion massive d’outils de gestion : indicateurs de performance, tableaux de bords, audits, reporting, labels qualité etc. (Pollitt & Bouckaert, 2017 ; Carassus et al., 2023). Si ces dispositifs visent à renforcer l’efficience de l’action publique, leur déploiement top-down engendre de fortes tensions sur le terrain, en particulier pour les agents de première ligne (Lipsky, 1980 ; Bezes, 2020).

Ces professionnels, en contact direct avec les usagers, doivent composer avec des injonctions paradoxales : répondre aux exigences gestionnaires tout en assurant un service public de qualité (Peeters & Campos, 2022). Cette situation se traduit par une augmentation significative de leur charge administrative (DGAFP, 2023), une complexification des tâches quotidiennes (INSEE, 2019) et une exposition accrue aux incivilités et agressions (Guenoun, M, 2024).

Notre recherche adopte une perspective bottom-up pour étudier ces tensions. En mobilisant le cadre théorique des packages de contrôle (Malmi & Brown, 2008) et la littérature sur la street-level bureaucracy (Lipsky, 1980 ; 2010), nous interrogeons la manière dont ces dispositifs de gestion sont reçus, ajustés, utilisés voire contournés par les agents.

Appuyée sur une enquête exploratoire de type ethnographique (Riveline, C, 1993) menée dans plusieurs administrations publiques françaises, cette étude explore comment ces agents intègrent, contournent ou détournent ces outils de contrôle de gestion, (Moisdon, 2015 ; Brodkin, 2011 ; Van Maanen, 2011) révélant des arbitrages permanents entre logique de performance et logique de service (Bouckaert & Halligan, 2008 ; Hood & Peters, 2004).

Cette communication adopte une approche exploratoire visant à comprendre, depuis le terrain, comment ces agents reçoivent et s’approprient les outils de contrôle dans leur environnement professionnel. Plutôt que d’évaluer l’efficacité des outils, il s’agit d’en analyser la réception, les usages et les ajustements opérés par les agents en fonction de leurs contraintes et de leurs logiques d’action (Maynard-Moody & Musheno, 2003). Cette perspective bottom-up permet d’appréhender la manière dont les réformes administratives sont réellement mises en œuvre et vécues au quotidien, au-delà des intentions des décideurs (Lipsky, M., 1980 ; Hill, & Hupe, 2009).

L’exploration académique de la manière dont les agents de première ligne reçoivent et s’approprient ces dispositifs de gestion apparaît aujourd’hui comme une démarche à la fois nécessaire et porteuse d’un impact sociétal majeur. À travers cette recherche, nous avons pour ambition de produire des contributions significatives, tant sur le plan conceptuel qu’opérationnel, en formulant des recommandations concrètes pour une meilleure intégration des agents en contact direct avec le public dans les stratégies de modernisation et de simplification administrative des administrations publiques françaises. En mobilisant une approche Bottom-up, cette étude propose d’éclairer les effets réels des packages de contrôle sur les pratiques professionnelles de ces agents, comblant ainsi un angle mort de la littérature en sciences administratives sur ce sujet. Ces résultats contribuent à la littérature en management public et en contrôle de gestion en étudiant les adaptations et stratégies mise en place par les acteurs au niveau le plus opérationnel.



Cynisme et Désengagement Organisationnels : Les Enjeux de la Fidélisation dans la Fonction Publique

Khalil AIT SAID1, Warda EL FARDI2, Youssef SOUAK3

1UVSQ Paris Saclay; 2Université de Bordeaux; 3Inseec

La rétention et la fidélisation des employés constituent des défis importants pour les organisations, en particulier dans le secteur public. Malgré des niveaux d'engagement plus élevés chez les fonctionnaires français que chez les employés du secteur privé, de nombreux travailleurs du secteur public souffrent d'un moral bas en raison d'un soutien inadéquat. Ce manque de soutien a une incidence négative sur leur engagement, défini comme le lien psychologique avec leur organisation. Des études récentes mettent en évidence le problème croissant du cynisme organisationnel dans la gestion publique, caractérisé par des émotions négatives à l'égard des employeurs en raison des déficits perçus en matière d'intégrité organisationnelle. Ce cynisme se manifeste par un retrait et un désengagement, ce qui finit par avoir un impact sur les performances professionnelles. Le concept d'adéquation personne-organisation (PO-fit), qui fait référence à l'alignement des valeurs individuelles et organisationnelles, est crucial pour aborder ces questions. Cet article étudie l'impact de la congruence des valeurs sur l'intention des fonctionnaires de quitter leur emploi, en se concentrant sur les effets médiateurs du cynisme organisationnel. À l'aide d'une étude quantitative par questionnaire menée auprès de 101 fonctionnaires en France, la modélisation par équations structurelles et l'analyse de la médiation permettront d'explorer ces relations. Les résultats visent à améliorer la compréhension de l'engagement des employés dans la gestion publique et à offrir des recommandations pratiques pour améliorer les stratégies de rétention au sein des organisations gouvernementales.



Tensions entre autonomie et effectivité dans l’Aide à Domicile

Stéphane COILLARD

UPPA, France

Thèmes et mots-clés :

Alors que l’autonomie est perçue dans l’aide à domicile comme un levier d’économies et de valorisation des métiers, elle induit pour les employées des tensions sur l’effectivité de leur travail. L’objectif de cet article est d’explorer les relations ambivalentes que ces deux variables tissent entre elles sur le lieu d’exercice du travail.

Problématique :

Face à une population vieillissante et un nombre croissant de maladies chroniques, (passé de 14,6% en 2008 à 17,8% en 2021), la demande d’aide à domicile continue de s’élever et de se complexifier. Afin de réduire l’écart entre les besoins exponentiels et les capacités limitées des ressources financières et humaines, l’Etat encourage l’autonomie du personnel de terrain. Il espère ainsi réduire les coûts de contrôle et diminuer ainsi le poids de l’encadrement de proximité. Du même coup, il souhaite valoriser le travail des intervenantes et les rendant davantage maîtres de leur action.

Dans le même temps, les contraintes gestionnaires induisent une réflexion sur la performance des politiques publiques et plus précisément sur l’évaluation de celles-ci. Les objectifs concomitants d’individualisation du service adjoignent aux indicateurs classiques d’efficacité ou d’efficience, celui de l’effectivité. Définie par Jullien (1996) comme « la dimension opératoire de l’effet, […] celui qui conduit à lui et le rend effectif », elle dépasse la notion d’objectif et la mesure quantitative d’un résultat pour se focaliser sur le processus en cours, et remet la situation au coeur de l’analyse (Mossé et Oiry, 2010).

Comme le rappellent Ferraton, C. et Michun, S. (2023), dans ce secteur particulier, les employées « sont en prise directe avec les usagers, dans des situations toujours spécifiques, sans que la hiérarchie puisse définir précisément le travail prescrit et le vérifier en continu. » Ces métiers présentent de ce fait une forte résistance aux mesures d’efficacité ou d’efficience et confortent notre intérêt pour l’effectivité du travail.

Pour l’autonomie, si elle donne du sens à la mission des aides à domicile en les rendant responsables de la qualité du service, elle les confronte aussi aux jugements du bénéficiaire et les rend vulnérables aux menaces et pressions, et donc à d’éventuelles actions hors-mission réalisées pour répondre à un besoin latent ou exprimé de la personne servie. Nous avons centré notre recherche sur ces tâches qui concentrent pour nous l’essentiel de la tension entre autonomie et effectivité du travail.

Résumé des méthodes de recherche et/ou approche empirique utilisée

AID64 est un service d’Aide à Domicile couvrant l’ensemble du département des Pyrénées-Atlantiques à partir de 4 antennes. La variété d’interventions de ses 140 employés, aide à domicile et TISF (technicienne de l’intervention sociale et familiale) nous a permis de mesurer cette relation pour 4 équipes volontaires (21 employées). Pour ce faire, nous avons conçu une méthodologie qualitative appliquée durant une année. A partir de déclarations de sacrifices (23 témoignages) sont organisées 5 réunions des 4 équipes ensemble, 2 réunions avec les équipes séparées, 4 accompagnements de visites, 2 toilettes, 1 lever et 1 coucher.

Les rencontres nous servent à interroger les employées sur leur capacité à refuser ces interventions hors-contrat, à comprendre les motivations de leur réponse positive ou négative, à connaître les effets de ces actions sur leur comportement ultérieur.

Les visites, décidées avec les intervenantes, nous permettent d’observer dans des relations singulières, les éléments constituant cette tension et les conditions qui pourraient accroître ou réduire celle-ci.

Résultats

Les déclarations d’actions hors-contrat ont été nombreuses et très diverses : temps non rémunéré pour partager un repas ou une simple visite de courtoisie, avance d’argent, pour des courses ou un intervenant extérieur, prise en charge de l’animal de compagnie de la personne, menue réparation, tâche administrative avec ou sans déplacement…

Certains de ces actes sont interdits par la structure mais d’autres sont rémunérés. Et pourtant, tous sont dissimulés à l’employeur, constituant un sacrifice réalisé en autonomie. D’autres évènements, fréquents, questionnent les risques de l’autonomie : menaces de mort sur l’employée ou sur un tiers, avec arrêt immédiat de la mission ou poursuite sans prévenir l’encadrement. Plus rares, des employées font état de demandes explicites ou implicites de jeux de rôles, afin de modifier un rapport de force dans le couple ou de prendre par exemple la posture d’un élève imaginaire en cours de lecture face à une ancienne institutrice.

Si 11% ont refusé ces demandes, la moitié d’entre elles en a tiré un sentiment de culpabilité. Quant à celles qui ont accepté, si toutes considèrent la demande comme anormale, 16% ont l’impression d’accomplir leur devoir. Comme on peut le voir, l’autonomie peut placer la professionnelle en situation de domination (Bied et Metzger, 2011), et interroger la nature et le jugement d’effectivité. Les réunions d’équipe en rendent compte : « comment rester professionnelle ? », comment respecter à la fois le contrat, la relation et l’identité professionnelle ? L’effet réel sur le bénéficiaire est lui-même mis en question : est-ce un service qui lui est rendu ? quelle évolution connaîtra la relation ? Est-ce une bonne (mauvaise) réponse à court terme pour une mauvaise (bonne) réponse à moyen terme ?

Deux attitudes contradictoires découlent de ces questions. La première, positive, considère l’autonomie comme une ressource pour solliciter seule les autres parties prenantes (assistante sociale, aidants…), adopter un comportement de protection choisi par elles : « ne pas relever », « rappeler le cadre des interventions », accepter sous réserve… La seconde est négative et considère l’autonomie comme un risque de responsabilité personnelle, et les amènent à appeler la cadre de proximité et/ou ses collègues, pour déléguer ou partager la décision. Selon le cas, l’effectivité est interrogée de manière différente, comme un accord entre bénéficiaire et intervenante ou comme un désaccord exigeant l’arbitrage d’un tiers responsable. Dans le cas des décisions cachées à la direction, l’effectivité est perçue comme positive pour l’intervenante et le bénéficiaire mais négative pour la direction, qui pourrait sanctionner le geste.

Ainsi, si l’autonomie peut entretenir un rapport positif avec l’effectivité, elle peut aussi la mettre en tension, soit avec le bénéficiaire soit avec la structure.



Digitalisation et rupture du contrat psychologique : l’État employeur face au risque de désillusion

Armand Brice KOUADIO

University of Applied Sciences of Western Switzerland (HES-SO), Suisse

Problématique

La transformation numérique des administrations publiques ne se réduit pas à une simple réforme technologique. Elle redéfinit également les attentes des salarié·e·s à l’égard de leur employeur (Nkomo et al., 2024). Parce qu'elle contribue à modifier le contenu du contrat psychologique - cet ensemble d’attentes implicites liant employé·e et employeur (Rousseau et al., 2014) - la digitalisation peut provoquer des tensions lorsque les promesses perçues ne sont pas tenues (Morrison et al., 1997). Dans la mesure où l’employeur public revendique souvent un rôle d’"employeur modèle", cette communication soulève deux questions : (1) Les réformes numériques dans le secteur public peuvent-elle générer un sentiment de trahison du contrat psychologique chez les agents ? (2) Comment cela affecte-t-il leur engagement, leur fidélité organisationnelle et leurs intentions de départ ?

Insistant sur le rôle de l’État employeur dans le respect des promesses perçues en période de transformation, notre principale hypothèse de travail est que la digitalisation, si elle est insuffisamment accompagnée, pourrait accroître la perception de rupture du contrat psychologique. Ceci et notamment dans les situations où elle s’accompagne d’une surveillance accrue ou d’un décalage entre les attentes exprimées et les offres concrètes en matière de conditions de travail, de reconnaissance ou de développement professionnel (Kouadio, 2022; Ogbonnaya et al., 2024; Renard et al., 2021).

Approche théorique

L’analyse s’appuie sur la théorie du contrat psychologique (Chordiya et al., 2017; Conway et al., 2014; Rousseau, 1995; Solinger et al., 2013) et ses prolongements sur les conséquences d'un contrat brisé (psychological contract breach). Cette réflexion originelle s'est récemment enrichie des travaux sur la digitalisation du travail et les effets ambivalents des réformes numériques sur la subjectivité des employés (Nicolas, 2010; Taskin et al., 2016).

Données et méthodologie

Les données proviennent du Swiss HR Barometer 2020, un questionnaire représentatif réalisé en Suisse (N > 2 000 répondant·e·s), incluant des salarié·e·s du secteur public et privé suisse (recrutés via le registre officiel de l’Office fédéral de la statistique). Les données couvrent les variables suivantes :

• Les attentes envers l’employeur et les offres perçues

• La perception de rupture du contrat psychologique

• Des variables de fidélité organisationnelle (Commitment)

• Ainsi que des indicateurs de digitalisation

Nous avons construit un indice d’écart attentes-offres, puis modélisé les effets de la digitalisation sur la fidélité organisationnelle via une médiation par le contrat psychologique, en comparant les résultats entre secteur public et privé (analyse multi-groupes).

Contribution de la recherche

À ce stade de la recherche et de nos analyses préliminaires, plusieurs hypothèses méritent une attention particulière : premièrement, il est possible que le secteur public présente un écart plus marqué entre les attentes des professionnels et les offres organisationnelles, notamment en matière de reconnaissance, de développement professionnel et d’autonomie. Deuxièmement, nous pensons qu'un tel décalage pourrait favoriser une perception accrue de rupture du contrat psychologique, en particulier dans des contextes de forte digitalisation et de dispositifs de surveillance renforcés. Une rupture susceptible de constituer un facteur explicatif du désengagement au travail, voire de l’intention de départ, potentiellement plus prononcés dans le secteur public que dans le secteur privé. Finalement, le soutien managérial (confiance), lorsqu’il est perçu comme significatif, pourrait jouer un rôle modérateur en atténuant certains de ces effets.