Question de recherche
Un bailleur de fonds central peut-il indirectement encourager une culture durable d’amélioration continue au sein des organismes financés par le biais d’un cadre de faible responsabilisation ?
Résumé théorique et méthodologique
La performance du secteur public intéresse les chercheurs depuis longtemps mais manque toujours d’évidence directe. Une grande partie de ces travaux se sont concentrés sur les nombreuses vagues de réformes au fil des décennies, influencées par les concepts de performance du secteur privé. Talbot (2010) décrit la transition de l’efficacité organisationnelle (aujourd’hui abandonnée) à la culture et à la qualité dans les années 1980, puis à la gestion de la performance dans les années 1990. Suivant d’autres développements connectés au New Public Management, le mouvement pour la qualité a été à l’origine de nombreux modèles pratiques, tels que les modèles de performance multidimensionnels (MDPM), le Balanced Scorecard, la gestion de la qualité totale (TQM) et le mouvement d’audit et d’inspection (Talbot, 2010).
La présente étude empirique est basée sur un programme d’amélioration de qualité dans les hôpitaux canadiens dans la province de l’Ontario. Elle a comme objectif de vérifier les propositions théorétiques avec des preuves empiriques et de réexplorer la performance sur un axe du mouvement pour la qualité. L’Ontario a lancé un programme concentré sur l’amélioration continue pendant dix ans dans un dispositif structurel unique. Dans ce programme, les hôpitaux sont obligés de rendre des rapports annuels dans un format prédéterminé, mais avec des objectifs très flexibles et sans répercutions pour non-performance.
L’étude reviens sur l’analyse des processus de transformation des intrants en extrants pour réorienter sur le processus elle-même. L'amélioration continue part du principe que la performance ne se résume pas à une simple combinaison de facteurs clés, mais qu'il existe des outils méthodiques et fiables pour améliorer le processus de transformation. On parle souvent de « travailler plus intelligemment », « faire plus avec moins » et « Lean ».
La pratique de la performance publique se concentre rhétoriquement sur la productivité et l'efficience, mais utilise rarement des outils autres que la réduction des ressources allouées aux services publics ou en mettant l’accent sur la planification. Dans la mesure où elle se concentre sur les processus, elle tend à privilégier les outils au détriment de la théorie et à manquer de suivi (Radnor et Osborne, 2013). Des cadres tels que les 3E (économie, efficience, efficacité - intrants, intrants/extrants, résultats conformes aux objectifs) négligent une étape concrète pour la qualité et se concentre principalement sur l'économie et l'efficience (Pollitt, 2006).
L'orientation processus forcée par l’amélioration continue offre une perspective distincte sur la performance, notamment une prise en compte des indicateurs avancés et retardés de performance. Elle peut également se caractériser par une orientation plus forte vers le service client, l’expérimentation et une réactivité aux valeurs publiques. Enfin, de nombreuses preuves démontrent l'efficacité des outils de processus, même si ces derniers, à eux seuls, tendent à créer des améliorations localisées et temporaires (Radnor et Osborne, 2013).
Les concepts théoriques tendent à ne prendre en compte que les intrants, les extrants/résultats et leurs ratios. Le résultat est une négligence des processus de transformation dans la performance publique. La structure d’amélioration continue peut offrir à un bailleur de fonds une méthode indirect d’encourager l’amélioration sans intervention ou de gestion active. Par exemple, Pollitt (2006) évoque un effet d'un « échafaudage » des catégories vaguement définies du Balanced Scorecard, tandis que Mintzberg (1978) décrit une stratégie émergente.
Résultats avancés
Cette étude explore un régime de performance publique doté d'une structure unique – reporting et cadre obligatoires –, mais avec une faible responsabilisation quant à l'obtention des résultats. Elle comprend des données longitudinales détaillées couvrant près de 300 hôpitaux sur dix ans et 30 000 plans d'amélioration individuels. Ces plans incluent des indicateurs de performance, des catégories de qualité et des notes libres. De plus, le programme offre aux hôpitaux la possibilité d'ajouter volontairement des plans de leur propre initiative. Le programme est resté pratiquement inchangé depuis 2011.
Les premiers résultats montrent que les hôpitaux sont disposés à adopter et à mettre en œuvre volontairement des plans d'amélioration continue. Cela témoigne notamment de leur résilience face aux perturbations liées à la COVID-19. Des entretiens seraient utiles à la recherche pour comprendre les facteurs internes à l'origine de cette motivation.